C’est qui Cré­bel­ley ?

Editorial paru dans Tracés n°19/2012

Date de publication
01-10-2012
Revision
19-08-2015
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

On imagine bien la satisfaction du Service des routes du Canton de Vaud à l’idée d’inaugurer, le 8 novembre prochain, la H144. Véritable serpent de mer dont les premières moutures remontent à des temps quasi immémoriaux, cette bretelle de liaison est à n’en pas douter une réussite.
Si sa réalisation a fourni à de nombreux professionnels de la construction l’occasion de mettre en évidence leurs savoir-faire, il faut rappeler qu’elle a été précédée par l’organisation de quatre concours pluridisciplinaires pour ses ouvrages d’art. Une procédure originale qui a « contraint » ingénieurs et architectes à associer leurs compétences et dont le bien-fondé est prouvé par les excellents résultats obtenus pour les quatre objets concernés. Compte tenu de ces résultats, cette « intrusion » des architectes dans le domaine des ouvrages d’art – considéré par beaucoup d’ingénieurs comme une chasse gardée – est la bienvenue et doit être encouragée. Cependant, tant en raison de la modestie malsaine de certains de mes collègues ingénieurs que du fort ego de quelques architectes, il y a un indéniable risque que les premiers se voient disputer l’un des aspects les plus prestigieux de leur profession par les seconds.
La question de la « paternité » d’un ouvrage devient d’ailleurs problématique dans une société qui privilégie le culte de la personnalité. Au-delà de l’antagonisme entre architectes et ingénieurs, il serait bon d’épargner aux ouvrages d’art le sort des constructions des « star-architectes » et de les voir conserver leur anonymat en évitant de parler du « pont de untel ». Car il n’est pas inutile de rappeler que c’est d’abord à l’ingénieur ou à l’architecte d’un ouvrage qu’il incombe de se mettre au service du projet auquel il participe et non le contraire. Ceci d’autant plus que tant l’un que l’autre sont loin d’en être les seuls acteurs et que bien d’autres y jouent des rôles tout aussi essentiels.
Un appel à la retenue qui devrait éviter qu’on se demande dans quelques années si Crébelley était un ingénieur ou un architecte.

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