Une as­so­cia­tion pour faire évo­luer les pra­tiques

Planifier et construire en alliances de projet 

La collaboration en alliance de projet nécessite un dialogue intensif dès le début. Un investissement qui porte ses fruits, selon Birgitta Schock et Laurindo Lietha, membres du comité directeur de l’association «pro-alliances.ch» fondée à l’été 2025.

Date de publication
22-08-2025

«Dans une alliance de projet, toutes les parties prenantes poursuivent un objectif commun et relèguent leurs intérêts individuels au second plan. Il s’agit du principe fondamental d’un tel partenariat», explique Birgitta Schock, vice-présidente de la SIA. En juin dernier, les associations faitières que sont la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA), suisse.ing et la Société suisse des entrepreneurs (SSE) ont cofondé l’association «pro-alliances.ch». Membre du comité directeur, Birgitta Schock s’intéresse depuis près de vingt ans à ce modèle de coopération. Laurindo Lietha, responsable Passation des marchés à la SIA, est vice-président de l’association. Architecte et économiste de la construction, il considérait déjà, il y a dix ans, cette forme d’organisation comme une réelle opportunité pour la branche. «Je ne pensais toutefois pas que cela deviendrait une réalité aussi vite», reconnaît-il aujourd’hui.

Ces dernières années ont en effet été marquées par des avancées concrètes: la SIA a fixé les principes et créé les bases normatives de cette forme de collaboration dans le cahier technique SIA 2065 «Planifier et construire en alliances de projet». Elle a également développé une solution d’assurance adaptée aux alliances de projet avec le concours du courtier AIC Suisse ainsi qu’un modèle de contrat spécifique pour leur mise en œuvre. Avec la création de « pro-alliances.ch », le passage à la pratique est désormais lancé. L’association encourage les alliances de projet en conformité avec le cahier technique SIA 2065, et souhaite promouvoir ce modèle d’organisation dans l’ensemble du secteur suisse de la construction et de la planification.

Un défi collectif

Il n’y a pas que le réchauffement climatique qui donne du fil à retordre aux acteurs du secteur de la construction : la complexité des exigences imposées à l’environnement bâti s’avère aussi un véritable casse-tête. Les projets deviennent de plus en plus complexes, les ressources se raréfient, et la responsabilité sociale et environnementale des planificateurs s’intensifie. Les marchés publics, en particulier, présentent une complexité et des risques élevés, souvent difficiles à maîtriser. «Résultat : des projets qui dépassent fréquemment les délais et les budgets prévus. Il devient alors urgent d’adopter de nouvelles approches», explique Laurindo Lietha. « Des processus plus dynamiques sont alors nécessaires, et c’est précisément ce que permet une alliance de projet.» Birgitta Schock en est elle aussi convaincue: «Nous ne pouvons relever ces défis qu’en travaillant ensemble.»

Dans une alliance de projet, les intérêts individuels des parties prenantes sont alignés sur ceux du projet. Les acteurs assument les responsabilités en partenariat et dialoguent dès les premières phases pour élaborer des solutions. Les risques sont gérés collectivement et la rémunération liée au succès du projet et basée sur des mécanismes d’incitation. Birgitta Schock parle d’un véritable changement de paradigme, induit par ce modèle de collaboration. Laurindo Lietha replace quant à lui ce changement dans une perspective historique : « Ces dernières décennies ont été marquées par une logique de performance individuelle et de spécialisation, ce qui nous a menés à une sorte de tour de Babel. Les alliances de projet contribuent à un changement de culture pour revenir à une collaboration intégrée. » Pour Birgitta Schock, il est clair que cela n’est possible qu’avec un engagement fort de tous les acteurs. Elle insiste sur la nécessité de partager les connaissances dès le départ, sans les considérer comme un capital personnel : « L’intégration des savoirs qui sont habituellement mobilisés plus tard dans le processus doit se faire dès les premières phases. » Il faut aussi être prêt à adapter les équipes si celles-ci n’œuvrent pas dans le sens de l’objectif commun. 

Une cocréation renforcée

L’association «pro-alliances.ch» inscrit cette vision au cœur de sa mission. Elle identifie, parmi trois conditions essentielles à la réussite d’une alliance de projet, la disposition à œuvrer en faveur d’un changement de culture basé sur une nouvelle définition des rôles dans la planification et la réalisation communes des projets. Laurindo Lietha revient sur ce point: «Dans une alliance de projet, chacun devient un co-créateur ou une co-créatrice – commanditaires, planificateurs et entreprises.» Et d’ajouter que ce modèle ouvre également davantage de marge de manœuvre aux maîtres d’ouvrage: «En effet, ceux-ci travaillent sur un pied d’égalité avec les autres partenaires et participent aux prises de décisions. Ce niveau de participation n’existe pas dans les approches traditionnelles.» 

Un dialogue amorcé dès le début

La collaboration en alliance de projet exige donc de la flexibilité, de la transparence et des valeurs communes. Maîtres d’ouvrage, planificateurs et partenaires de réalisation doivent s’engager ensemble dans des processus inédits. Cela peut sembler ambitieux. Mais Birgitta Schock et Laurindo Lietha sont convaincus que la méthode portera ses fruits. «La collaboration en alliance de projet permet d’économiser beaucoup de temps, d’énergie et de moyens», affirme la vice-présidente de la SIA. Peut-être pas dans l’immédiat, car de nombreux éléments doivent être négociés dès le départ. Toutefois, il est plus facile de gérer ces aspects en amont plutôt qu’à un stade ultérieur, lorsque le potentiel de litige est plus important. Pour Birgitta Schock, il est évident que « plus les discussions surviennent tard dans le processus et débouchent dans le pire des cas sur un contentieux, plus elles deviennent coûteuses et plus les possibilités d’influencer le projet pour l’adapter sont limitées ».

Les alliances de projet sont également souvent citées comme un moyen de lutter contre la pénurie de personnel qualifié, car elles créent un climat incitatif pour les collaborateurs.  Ils prennent plaisir à s’investir dans leur travail et peuvent mobiliser leurs compétences dès les premières phases du projet. Ils exercent ainsi un réel impact », affirme Birgitta Schock. Si l’objectif commun est suffisamment intéressant – y compris sur le plan économique –, l’engagement des participants suit rapidement. Le modèle incite les partenaires à agir dans l’intérêt du projet (principe «best for project»), ce qui se traduit par une réduction des risques. « La sélection des membres de l’équipe devient donc stratégique », précise Laurindo Lietha. Pour constituer ces équipes, un outil inédit s’impose aujourd’hui : le dialogue, désormais ancré dans la législation fédérale sur les marchés publics. « Il sera intéressant de voir si les premiers maîtres d’ouvrage lanceront un concours en amont d’un projet d’alliance ou passeront par un mandat d’étude » anticipe Laurindo Lietha. «Aujourd’hui, toutes les options sont envisageables.»

Une dynamique en cours de création

L’association «pro-alliances.ch» est actuellement en phase de mise en place. Son activité se concentre sur l’échange de connaissances, le développement du cahier technique SIA 2065 et la création de bases pour la formation initiale et continue. Laurindo Lietha voit dans cette nouvelle structure un potentiel important: «Le rôle de la SIA est de poser les bases normatives. L’association «pro-alliances.ch» nous donne la possibilité de diffuser ce modèle de collaboration, afin que le secteur se l’approprie et que les pratiques évoluent.» Si l’association parvient à lancer quelques projets et à faire connaître plus largement la logique des alliances de projet dans le secteur de la construction et de la planification, alors un premier pas décisif aura été franchi, s’accordent à dire Birgitta Schock et Laurindo Lietha. 

Informations

 

Étiquettes

Sur ce sujet