De l’au­tre cô­té

Chantal Akerman, 2003

Le collectif Silo se penche cette fois sur le documentaire de Chantal Akerman, «De l'autre côté». La cinéaste belge promène sa caméra sur la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique développant ainsi une réflexion sur la perméabilité des frontières.

Data di pubblicazione
20-09-2012
Revision
01-09-2015

En 1839 et 1842, l’explorateur américain John Lloyd Stephens fit deux expéditions dans la péninsule du Yucatan au Mexique. Il était accompagné par l’architecte Frederick Catherwood dont les dessins transcrivent visuellement le riche patrimoine historique découvert sur le site. Dans ses récits de voyage intitulés Incidents of Travel in Yucatan, Stephens raconte la rudesse de l’entreprise. La dense végétation ralentit considérablement les deux hommes, les empêchant dans la foulée de contempler le paysage. L’explorateur explique que les populations locales semblent montrer un certain détachement, une sorte d’indifférence vis-à-vis du paysage comme scène de l’histoire. Comme s’ils souffraient d’une certaine forme de « cécité historique » qui les rendrait insensibles aux signes du passé.
En 2002, Chantal Akerman voyage à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Le récit du film se déroule le long de la frontière, un endroit marqué par les histoires des passants, où l’on ne cesse d’ériger des barrières et des murs. La cinéaste fait des aller-retour de part et d’autre de la frontière entre Agua Prieta (Sonora) et Douglas (Arizona), interviewant les populations des deux côtés de la limite. Ses images offrent des panoramas de l’immensité du paysage, rassemblés par des très longs travellings devenus la marque déposée si caractéristique de la cinéaste belge.
De l’autre côté est le troisième volet d’une série de documentaires qui comprend également. D’est (1993), Sud (1999), Là-Bas (2006) et Les femmes d’Anvers en Novembre (2007). Il fut également présenté dans le cadre de l’installation multimédia Moving through Time and Space, une exposition itinérante proposant un montage d’extraits de cinq films conçus sur le thème de l’exil. Ceci dit, la forme visuelle du film oscille manifestement entre orthodoxie documentaire, essai cinématographique et art vidéo. De l’autre côté reflète la perméabilité des espaces frontaliers, qu’ils soient géographiques, artistiques et/ou institutionnels. Dès lors, la frontière effectue un saut qualificatif pour se transformer en paradigme théorique. Elle devient ainsi le terrain de mise à l’épreuve à la fois des politiques géoculturelles et des modi operandi des mouvements migratoires des hommes et des images.

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