His­toire il­lus­trée de la Suisse

Cet ouvrage de l'historien bâlois Thomas Maissen présente la Suisse comme une construction artistique et réhabilite le rôle des villes dans la construction de l'Etat fédéral.

Date de publication
31-07-2012
Revision
19-08-2015

L'historien Thomas Maissen sort une "Histoire illustrée de la Suisse" à l'occasion du 1er août, qui montre comment le pays s'est construit un passé en partie imaginé. "J'ai tenté de montrer la fabrication de la Suisse comme entité politique imaginaire", indique-t-il dans un entretien au "Temps" mardi.
La Suisse est une "construction artistique qui a eu besoin de représentations artistiques", poursuit le professeur bâlois officiant à l'université d'Heidelberg en Allemagne. Et Thomas Maissen d'évoquer pour illustrer sa thèse "deux moments-clés de l'historiographie qui enracinent la Suisse dans un passé en partie imaginé et en partie documenté". La Suisse ne devient "une alliance exclusive et fixe" que dans la deuxième moitié du 15e siècle. "Donc plus tard que ce que la plupart des gens croient". C'est à ce moment-là, quand les Confédérés commencent à se considérer comme une unité qu'ils inventent leur passé, qui est celui de Guillaume Tell et du Grütli.
"Un deuxième moment créatif arrive à la fin du 19e siècle, quand l'Etat fédéral est établi et que les historiens suisses, comme leurs collègues en Europe, s'efforcent de remonter aux origines et d'écrire une histoire nationale". C'est 
ainsi en 1891 que le Pacte de 1291 est défini comme acte fondateur de la Confédération.

Liberté originaire

Ce pacte s'est imposé parmi des dizaines d'autres datant de la même époque parce qu'il appuyait les historiens du 19e siècle dans leur vision du pays, souligne Thomas Maissen. "On pouvait lier ce pacte à l'idée de liberté originaire 
qui aurait présidé à la fondation de la Suisse. Il confortait l'idée d'un noyau de paysans libres dans les Alpes, défendant leurs vallées contre les Autrichiens".
"De plus, les villes, la noblesse, les princes, les prélats n'y apparaissent pas. Ces partenaires se retrouvent pourtant dans d'autres alliances de futurs Confédérés de l'époque, mais ils sont moins intéressants pour l'histoire d'un pays qui depuis toujours, se considère comme une république".

Villes primordiales mais oubliées

Thomas Maissen pointe du doigt une injustice induite par le choix du Pacte de 1291. Au 14e siècle, "le rôle des villes devient essentiel. Sans Berne et Zurich, la Confédération n'aurait pas pu exister à long terme. Pour la Suisse actuelle, se référer uniquement et avec une foi pareille à la date de 1291" est donc problématique.
Même le site internet de la Confédération relaie aujourd'hui encore un certain nombre d'interprétations historiques sujettes à caution, poursuit Thomas. Maissen. Beaucoup d'entre elles sont "encore imprégnées par l'esprit de la défense spirituelle issu des guerres mondiales et de la Guerre froide".
"Tout ce qui est extérieur à la Suisse est présenté comme une menace, un danger et non comme des éléments qui ont permis de créer la Suisse comme elle est. La Constitution de 1848 par exemple est inspirée des constitutions française et américaine. Ces aspects-là sont négligés au détriment d'un Sonderfall". 

Etat-nation et mondialisation

Par ailleurs, le passé et l'idée qu'on s'en fait continue de peser aujourd'hui d'un poids certain sur le champ politique. "Les conservateurs proposent une politique enracinée dans un monde où l'on acceptait que les Etats étaient souverains à 100%". "En insistant sur le peuple comme souverain absolu, en refusant les institutions supra-nationales et la juridiction d'une cour constitutionnelle, on fait semblant de pouvoir continuer à vivre dans cet Etat-nation. Il est important, mais il serait illusoire de croire qu'il ne doit pas s'adapter à une réalité du 21e siècle".

 

 

InformationsMaissen, Thomas: Schweizer Geschichte im Bild, hier + jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte, 2012. 291 pages, Fr. 78.-, ISBN 978-3-03919-244-1 Service aux lecteursVous avez la possibilité de commander le livre par mail à l'adresse servicelecteurs [at] revue-traces.ch (Buchstämpfli, Berne), en indiquant le titre de l'ouvrage, votre nom ainsi qu'une adresse de facturation et de livraison. Vous allez recevoir votre commande dans les 3 à 5 jours ouvrables, avec une facture et un bulletin de versement. Buchstämpfli facture un montant forfaitaire de FR. 7.- par envoi pour l'emballage et les frais de port. 

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